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DE FOLIE ET D’AMOVR.


ha le pouuoir d’oter à Venus le plus grand plaiſir qu’elle uſt en ce monde : qui eſtoit quand ſon fils Amour la voyoit. En ce eſtoit ſon contentement, ſon deſir, ſa félicité. Helas fils infortuné ! Ô deſaſtre d’Amour ! Ô mere deſolee ! Ô Venus ſans fruit belle ! Tout ce que nous aquerons, nous le laiſſons à nos enfans : mon treſor n’eſt que beauté, de laquelle que chaut il à un aveugle ? Amour tant cheri de tout le monde, comme as tu trouué beſte ſi furieuſe, qui t’ait fait outrage ! Qu’ainſi ſoit dit, que tous ceus qui aymeront (quelque faueur qu’ils ayent) ne ſoient ſans mal, & infortune, à ce qu’ils ne ſe dient plus heureus, que le cher fils de Venus.

amovr.

Ceſſe tes pleintes douce mere : & ne me redouble mon mal te voyant ennuiee. Laiſſe moy porter ſeul mon infortune : & ne deſire point mal à ceus qui me ſuiuront.

venvs.

Allons, mon fils, vers Iupiter, & lui demandons vengeance de cette malheureuſe.