Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
LES CONTEMPORAINS.


le cœur, la phantaisie, ses discours et ses deportemens pliés à la chasteté. Ce que j’admire de plus en elle, est qu’elle avoit emprainte en son cœur la pieté et qu’elle s’esbatoit à tistre des chansons spiritueles et meditations de saincteté. Exemple que je desireroie estre pris par nos succrées qui des qu’elles peuvent jecter un pied devant un autre sont les plus empressées du monde pour s’embesoigner, comme si la bonté de Dieu, sa grace, sa vertu et la pieté ne leur apprestoient assés de sujet pour emploier leur tems. Or ceste dame quicta ce siecle pour prendre possession du royaume des cieux, l’an du salut mil cinq cens quarante cinq, regrettée à merveilles et surtout par plusieurs poètes qui celebrerent de leurs vers ses obseques.

« Je luy feray tenir compaignie en cest éloge par une autre dame Lyonnoise nommée Louise L’Abbé, laquelle le sieur Guillaume Paradin, au troisieme livre de son histoire de Lyon, chapitre 29, loüe fort avec celle de laquelle je viens de parler et en fait estat comme de deux astres radieux et des plus clairs entendemens de tout le sexe femenin de nostre tems. Ceste Louise avoit la face plus angelique qu’humaine, mais ce n’estoit rien au rapport de son esprit tant chaste, tant vertueuz, tant poétique, tant rare en sçavoir qu’il sembloit qu’il eut esté créé de Dieu pour estre admiré comme un prodige entre les humains. Car encores qu’elle fut fort bien versée en la langue latine, dessus et outre la capacité de son sexe, elle estoit admirablement excellente en la poésie des langues vulgaires dont rendent tesmoignage ses œuvres