Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
APPENDICE.


« Pernette de Guillet et Louise Labbé Lyonnoises.

« Tant de plumes ont passé sur le los de ceste dame (Pernette de Guillet) que si je ne luy eusse donné place parmy ces dames illustres, je perdoie ma reputation ou pour luy envier la gloire qu’elle merite ou pour n’avoir eu l’esprit de faire estime des raretés et singularités esclairans tout cest univers. D’apporter ici tout ce qui pourroit estre requis pour exprimer les louanges de ceste dame lyonnoise, je ne l’ay entrepris, je ne le sçauroie, et quant j’y pourroie donner atteinte, je ne le voudroie parce que ce discours me jetteroit en une trop ennuieuse prolixité, je me contanteray la recommander à la postérité pour trois perfections qu’elle a eu. La première d’avoir eu la poésie à commandement, avec des pointes, graces et élégances qui ont si bien rencontré, que les espris les mieux appris en demeurent du tout espris. La seconde passe plus outre, car outre la gentillesse incroyable qu’elle avoit, elle avoit une chasteté et pudicité de telle retenue que ses poésies n’estoient que reigles et enseignemens à la vertu et à l’honneur. Elle n’avoit artifié le myrthe de Venus, et cela la rend de tant plus admirable que de son tems, comme cela ne se pratique que par trop pour le jour d’huy, on tenoit une poésie sans goust, sans air et sans plaisir, si on ne donnoit quelque refrein à l’Amour. Ceste dame adextroit ses vers en tel artifice, que, quoyqu’ilz ne sentissent les impudicités de Cupidon, si est-ce qu’ilz trouvoient une grace merveilleuse envers les plus degoustés de l’honneur. Naturellement ses labeurs estoient animés de chasteté, elle ayant