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DÉBAT DE FOLIE ET D’AMOVR.


vieillart : au lieu de quelque beau galand, quelque petit laideron à la bouche torſe : & auiendra qu’ils ſeront les plus amoureus, & qui plus voudront auoir de faveur en amours : & poſſible par importunité, preſens, ou richeſſes, ou diſgrace de quelques Dames, viendront au deſſus de leur intencion : & viendra mon regne en meſpris entre les hommes, quand ils y verront tel deſordre & mauuais gouuernement. Baſte : en aille comme il pourra. Voila toutes mes fleſches. Tel en ſoufrira qui n’en pourra mais.

venvs.

Il eſtoit bien tems que ie te trouuaſſe, mon cher fils, tant tu m’as donné de peine. À quoy tient il, que tu n’es venu au banquet de Iupiter ? Tu as mis toute la compagnie en peine. Et en parlant de ton abſence, Iupiter ha ouy dix mille pleintes de toy d’une infinité d’artiſans, gens de labeur, eſclaues, chambrieres, vieillars, vieilles edentees, crians tous à Iupiter qu’ils ayment : & en ſont les plus aparens fachez, trouuant mauuais, que tu les ayes en cet endroit egalez à ce vil populaire : & que la paſſion propre aus bons eſprits soit aujourd’hui familiere & commune aus plus lourds & groſſiers.

amovr.

Ne fuſt l’infortune, qui m’eſt auenue, i’uſſe aſſiſté au banquet, comme les autres, & ne fuſſent les pleintes, qu’auez ouyes, eſté faites.