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APPENDICE.


pleines d’un grand amas et meslange de tresheureuses influences, et les plus clers entendements de tout le sexe féminin de nostre temps. L’une se nommoit Loïse l’abbé. Ceste avoit la face plus angelique, qu’humaine : mais ce n’estoit rien à la comparaison de son esprit tant chaste, tant vertueux, tant poétique, tant rare en sçavoir, qu’il sembloit, qu’il eust esté créé de Dieu pour estre admirée comme un grand prodige, entre les humains. Car encor qu’elle fust instituée en langue Latine, dessus et outre la capacité de son sexe, elle estoit admirablement excellente, en la Poésie des langues vulguaires, dont rendent tesmoignage ses œuvres, qu’elle a laissées à la postérité : desquelles sont competans juges les Poëtes vulguaires de nostre temps. Entre ses escrits se lict un Dialogue, en prose, docte non moins que ingénieux, duquel l’argument est. Que Jupiter faisoit un grand et somptueux festin, auquel estoit commandé à tous les Dieux se trouver. Amour et la déesse Folie arrivèrent en mesme instant, sur la porte du palais : laquelle estant ja fermée, et n’ayant que le guichet ouvert : Folie voyant Amour ja prest à mettre un pied dedans, s’avance et passe la premiere. Amour se voyant poussé, entre en colère. Folie soustient luy apartenir de passer devant. Ils entrent en dispute et querelle sur leurs puissances, dignitez et preseances. Amour ne pouvant vaincre de paroles, mect la main à son arc, et luy lasche une flesche, mais en vain, pour ce que Folie soudain se rend invisible, et voulant se venger, creve les deux yeux à Amour : et pour couvrir le lieu où