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APPENDICE.


 Ou qu’il entrait en quelque ennuy
 Je serois ingrat envers luy.
Car alors que je m’en vois veoir
 La beaulté qui d’un doux pouvoir
 Le cueur si doucement me brulle,
 Le bon sire Aymon se reculle,
 Trop plus ententif au long tour
 De ses cordes, qu’à mon amour.
Ores donq’ il fault que son heur,
 Et sa constance et son honneur
 Sur mon luth vivement j’accorde,
 Pinsetant l’argentine corde
 Du luc de madame parfaict,
 Non celle que son mary faict.
Cet Aymon de qui quatre filz
 Eurent tant de gloire jadis,
 N’eust en sa fortune ancienne
 Fortune qui semble à la tienne,
 Sire Aymon, car sans ses enfans
 Il n’eust poinct surmonté les ans.
Mais toy sans en avoir onq’eu.
 As en vivant si bien vaincu
 L’effort de ce Faucheur avare,
 Que quand ta mémoire si rare
 Entre les hommes périra,
 Le Soleil plus ne reluira.
Ô combien je t’estime heureux !
 Qui vois les trésors plantureux,
 De ton espouze ma maistresse.
 Qui vois l’or de sa blonde tresse,
 Et les attraictz delicieux
 Qu’Amour descoche de ses yeux.
Qui vois quand tu veulx ces sourciz,
 Sourciz en hebeine noirciz,
 Qui vois les beaultez de sa face,
 Qui vois et contemples sa grace,