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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


la part qui revient au feu dans cette vie de jolie femme. Sa jeunesse est dominée par une passion ardente, dont l’excès même, s’il la conduisit à quelques folies, la préserva de bien des fautes en l’empêchant d’écouter les belles promesses de ceux qui se déclaraient prêts, à la servir. L’objet de cette passion ne tarda pas à lui échapper ; mais, dans ce cœur incendié, la trace des flammes ne put jamais disparaître. Plus tard, afin de rompre la monotonie d’une vie sans éclat et la solitude d’une maison sans enfant, elle écrivit des vers et de la prose, qu’on vint écouter avec plaisir et qui lui firent un assez grand nombre d’admirateurs. Pour ne pas commettre la faute de choisir un amant parmi ses adorateurs, il faut qu’une femme — surtout au xvie siècle — soit femme jusqu’au bout des ongles ; or, ses œuvres, et parmi elles le Débat de Folie et d’Amour, nous apprennent qu’elle le fut.

Ces œuvres sont un petit livre où elle a enfermé tout ce qu’elle avait de plus cher : les fines observations d’un charmant esprit dans le Débat, les souvenirs d’une âme aimante dans trois élégies, les rêves d’un cœur passionné dans vingt-quatre sonnets, et sa personne dans ce tombeau qu’elle eut soin de s’édifier elle-même avec les Escriz de divers poètes. Elle eut raison, car les poètes qui, en 1563, firent de « doctes tombeaux » à Mlle de Bourges, ne se souvenaient plus de la Cordière, en 1566 : l’oubli s’était fait autour d’elle depuis plusieurs années déjà. Pas une des lignes qu’elle a écrites en dehors des vers publiés par elle ne nous a