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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


fit des vers sur une puce qui avait surgi tout-à-coup à la lisière du décolleté d’une demoiselle ; aujourd’hui, ces vers seraient trouvés bien jeunes, surtout sous la plume d’un magistrat ; en ce temps-là, ils ne furent qu’aimables. Mlle des Roches répondit par des vers à la louange de ceux qui avaient chanté sa puce et, avec sa puce, la vallée d’ivoire qui lui servait de promenoir ; aujourd’hui, ce serait trouvé très risqué, surtout de la part d’une demoiselle réputée sage ; les contemporains ne la trouvèrent qu’agréablement spirituelle. Enfin, avec tous les vers des poètes « chante-puce » on fit un livre, et la vertueuse Mme des Roches, la mère, n’eut jamais l’idée d’en arrêter l’impression. Tous les poètes se permettaient alors ces sortes de fantaisies, et l’aventure de ce pauvre Jacques Tahureau est peut-être unique en son genre. Ayant parlé avec transport des plus tendres et des plus ardentes caresses de son Admirée, une jeune fille sage dont le nom était connu, il dut déclarer, pour l’honneur de cette aimable et honnête personne, que tout son bonheur n’avait existé qu’en rêve. Nous avons peine à comprendre aujourd’hui en quoi consistaient le bon ton, la convenance et la distinction, à cette époque qui n’était déjà plus le moyen âge, mais qui avait des habitudes encore si différentes des nôtres. Voilà pourquoi, ce voyage au temps passé n’étant pas à la portée de tous les esprits, beaucoup trouvent plus commode de s’en dispenser et de juger sommairement d’après ce qu’ils voient. Ce n’est pas pour ceux-là, évidemment,