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RECHERCHES SUR LA VIE


guée par les Recteurs pour exproprier le Florentin de son usufruit est « qu’ils n’en pouvaient jouir de plusieurs années encore ; » aussi, ajoutent-ils, comme par suite de la calamité des temps et de la cherté des vivres, ils ne savent où prendre l’argent pour acheter le blé et nourrir les pauvres, il faut vendre la propriété du sieur Fortini qui est « étranger, » qui « est retourné dans son pays, » qui « régit mal ses terres, » et enfin qui est « de difficile convention. »

Cette pitoyable argumentation nous révèle qu’on n’avait aucune bonne raison à faire valoir pour se débarrasser du florentin, alors cependant qu’on admettait comme axiome de droit que don de concubin à concubine ne vaut, et alors que la notoriété publique se trouvait au nombre des moyens légaux pour faire la preuve du fait. Il faut donc en conclure que les contemporains en général, et les Recteurs en particulier, voyant Louise Labé au lit malade chez Fortini, n’ont pas trouvé là ce que de prime abord nous avions cru y découvrir, c’est-à-dire l’indice d’une vie commune existant, de notoriété publique, entre la donatrice et le donataire. S’il en avait été autrement, l’argent pour nourrir les pauvres serait arrivé dans les caisses de l’Aumône générale au lendemain de la mort des neveux de Louise, et le garde du scel royal, au lieu de tous ses considérants lamentables, nous eût fait part d’un jugement fortement motivé, qui eût déclaré non écrite la clause d’usufruit en faveur de Fortini. La réputation de la testatrice n’aurait pas pu en souffrir puisque les