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DE FOLIE ET D’AMOVR.


i’en ſuis cauſe le plus ſouuent. Mais ſi quelque eſtrange auenture, ou grand effet en ſort, en celà tu n’y as rien : mais en eſt à moy ſeule l’honneur. Tu n’as rien que le cœur : le demeurant eſt gouuerné par moy. Tu ne ſcez quel moyen faut tenir. Et pour te declarer qu’il faut faire pour complaire, je te meine & condui : & ne te ſervent tes yeus non plus que la lumiere à un aueugle. Et à fin que tu ne reconnoiſſes d’orenavant, et que me ſaches gré quand ie te meneray ou conduiray : regarde ſi tu vois quelque chose de toymeſme ?

Folie tire les yeus à Amour.
amovr.

Ô Iupiter ! ô ma mere Venus ! Iupiter, Iupiter, que m’a ſerui d’eſtre Dieu, fils de Venus tant bien voulu iuſques ici, tant au ciel qu’en terre, ſi ie ſuis ſuget à eſtre iniurié & outragé, comme le plus vil eſclaue ou forſaire, qui ſoit au monde ? & qu’une femme inconnue m’ait pù creuer les yeus ? Qu’à la malheure fut ce banquet ſolennel inſtitué pour moy. Me trouueray je en haut auecques les autres Dieus en tel ordre ? Ils ſe reſjouiront, & ne feray que me pleindre. Ô femme cruelle ! comment m’as tu ainſi acoutré.

folie.

Ainſi ſe chatient les ieunes et preſumptueus, comme toy. Quelle temerité ha un enfant de s’adreſſer à une femme, & l’iniurier & outrager de paroles : puis de voye de fait tacher à la tuer. Vne autre fois eſtime ceus que