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RECHERCHES SUR LA VIE


de fleurs des jeunes filles. Du reste, son père et sa mère étaient, mieux que personne, en situation pour savoir ce qui se disait dans la ville, et il est inadmissible que l’un et l’autre eussent laissé publier une dédicace faite à leur fille, presqu’une enfant, par une femme de réputation équivoque. Il faut donc en conclure, ou bien que toutes ces « sornettes » n’avaient pas assez de consistance pour être parvenues jusqu’à l’hôtel de Bourges, ou bien qu’elles y étaient parvenues, mais qu’on n’avait pas cru devoir en tenir compte.

Une grande intimité, a-t-on écrit, suivie d’une brouille éclatante, aurait existé entre Clémence de Bourges et Louise Labé « qui lui enleva son amant. » Cette intimité, cette brouille et cet amant n’ont jamais paru que sous la plume d’Irailh, Cette méchante langue d’abbé du XVIIe siècle a fait battre tous les gens de lettres, depuis Homère, et il nous a donné le spectacle de ces batailles jusque dans leurs plus menus incidents. Il est entré avec des frétillements de joie dans la maison de la Belle Cordière, ce « temple des Muses et de la volupté, » et il a tout vu, tout entendu et tout raconté, sauf le nom de l’heureux mortel dont Clémence et Louise se seraient disputé le cœur ; il sait tout — comme si c’était arrivé — et il nous narre la scène avec une précision et un luxe de détails inimaginables. Son chapitre débute ainsi : « C’étaient les deux Sapho du xvie siècle. Elles lui ressemblaient par la beauté du génie, par leur talent de faire des vers enjoués, délicats et faciles, et par le dérèglement de leur conduite. »