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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


cher la suite à travers les lignes de l’ode grecque, dont voici la traduction littérale :

« Les chants mélodieux de Sapho ont péri engloutis dans l’abîme du temps.

« Mais, tendre élève des amours et de la charmante déesse de Paphos, voici que Louise Labé les a retrouvés.

« Ce prodige nouveau vous surprend, et vous demandez peut-être d’où vient cette muse inconnue.

« Apprenez donc que pour son malheur elle s’est éprise elle aussi d’un Phaon, d’un cruel et d’un insensible.

« Sa fuite lui a percé le cœur ; et sur les cordes de la lyre l’infortunée a voulu redire ses souffrances. »

Il était difficile d’être plus clair et plus précis, à la faveur du grec ! Et l’auteur de cette ode avec celui des Louanges complètent ce qu’écrit en pleurant la victime elle-même dans ses Élégies. À eux trois, ils nous montrent l’homme de guerre qui a laissé un espoir germer dans son esprit et éclore dans son cœur de jeune fille, mais qui, séduit par un autre caprice ou dompté par la volonté paternelle, s’est détaché des premiers liens.

Elle le lui reproche doucement dans la IIe élégie, quand, s’examinant devant Dieu, elle dit :

J’ay de tout tems vescu en son service.
Sans me sentir coulpable d’autre vice
Que de t’avoir bien souvent en son lieu
D’amour forcé, adoré comme Dieu.


Puis, rappelant avec beaucoup de finesse et d’à-propos la réputation dont elle jouit.

Soit en beauté, vertu, grâce et faconde,