Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
RECHERCHES SUR LA VIE


belles pour supporter, avec le poids des diamants, celui de quelque noble nom, et que son cœur aurait des trésors de tendresse pour qui voudrait lui donner l’un et l’autre. Elle repoussa un vieux poète italien, qui s’en alla mourir en Espagne, et elle aima un homme de guerre, qui ne comprit pas, qui ne voulut pas, ou qui n’eut pas la liberté d’accorder ce qu’on attendait de lui. La lutte fut longue entre la réalité et l’illusion longuement entretenue ; mais enfin le rêve dut s’évanouir, en laissant dans l’esprit, sinon dans le cœur, qu’il avait hanté, des traces qui ne disparaîtront peut-être jamais. C’est alors, et pour chanter ses « maux passés, » qu’elle prit sa lyre :

Au temps qu’Amour d’hommes et dieux vainqueur
Faisoit bruler de sa flamme mon cœur,
...............
Encore lors, je n’avais la puissance
De lamenter ma peine et ma souffrance !
Encor Phœbus, ami des lauriers verts,
N’avoit permis que je fisse des vers.


L’aventure de Perpignan, qui tient une si grande place dans les biographies modernes, est un petit épisode de cette histoire des amours. Ces mots « aventure de Perpignan » éveillent l’idée d’une chevauchée dans les Pyrénées ; et, en effet, les derniers biographes de Louise ont tous cru qu’elle avait suivi une expédition réelle contre les Espagnols, alors qu’il s’agit très certainement d’un tournoi, auquel elle prit part sans s’éloigner du Rhône, et peut-être sur le champ de Bellecour.