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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


et l’étude, dans quelque « chambre courtoise » au-dessus de la boutique de son père, dut venir assez tôt disputer à la musique ses longues heures de solitude, Elle y apporta toute l’ardeur de son tempérament ; aussi ne faut-il pas s’étonner de la voir chercher dans les violents exercices du corps, l’équitation et les armes, une distraction et une détente aux travaux de son esprit. Elle semble d’ailleurs avoir trouvé, dans sa maison même, un maître en l’un au moins de ces deux arts, maître à qui elle donna dans son testament des preuves d’une véritable affection : c’est son frère François.

Mais quoi ? (soupire-t-elle), amour ne put longuement voir
Mon cœur n’aimant que Mars et le savoir.


Amour la posséda complètement et lui rendit « ennuyeuses » toutes les « œuvres ingénieuses » auxquelles elle avait jusqu’alors pris plaisir ; autrement dit, à l’heure marquée, l’écolière, avec ses jeux et ses livres, céda la place à la jeune fille tout absorbée par le rêve que l’on fait à seize ans. Un jour, elle se regarda dans son esprit — elle s’était regardée déjà dans son miroir — puis elle remarqua qu’elle se trouvait au fond de la boutique d’un cordier. Et pourtant, non loin d’elle, dans de hauts fauteuils armoriés s’asseyaient des femmes que l’on aimait, que l’on adorait, et qui étaient beaucoup moins séduisantes, de corps et d’âme. Elle pensa que ses blonds cheveux feraient honneur à une couronne de perles, que ses épaules étaient assez