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RECHERCHES SUR LA VIE


ennemis ! Le père, lui, s’absorbait dans les détails de son commerce, qui réussissait d’ailleurs parfaitement ; il gagnait de l’argent et faisait ses affaires ; mais on se figure aisément de quels yeux, à son âge surtout, il regardait grandir et se développer sa belle et intelligente fille, jusqu’au jour où Jeanne vint détourner à son profit une partie des tendresses paternelles. Quand il s’agissait de Louise, Antoinette Taillard devait perdre une partie de son influence, influence d’ailleurs incontestable, puisque Pierre Labé nous démontre par ses trois mariages qu’il fut toujours sensible aux Guillermette, aux Étiennette, et encore sur le tard aux Antoinette. Cependant je crois que tout devait se taire et rentrer dans un ordre extérieur des plus parfaits, lorsque le père se trouvait là : l’atelier marchait trop bien pour qu’il en fût autrement à la maison.

Son amour-propre, — plus que son intelligence peut-être, — satisfait des dispositions de son enfant, ne lui marchanda ni les instruments de musique, ni les écheveaux de soies variées, ni encore et surtout les livres. Même en faisant la part de l’exagération chez Paradin — part assez mince devant le témoignage de Du Verdier — il reste acquis que Louise écrivait des vers latins et italiens, parlait l’espagnol, lisait le grec, et qu’elle sut plus tard, par le charme de sa conversation, son principal talent, amener auprès d’elle les meilleurs esprits. Si bien doué soit-on par la nature, un tel résultat ne peut s’obtenir sans un travail prolongé ;