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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


quintessence, qui se contourne dans l’obscur et se tourmente dans le rocailleux, était en effet le chef de cette école de transition qu’à la veille des débuts de la Pléiade l’influence du génie italien fît éclore à Lyon ; circonstance particulière à laquelle plusieurs de ses poètes ont dû une partie de leur notoriété et même la réputation dont ils ont joui après la perte ou l’oubli de leurs œuvres.

Il était difficile à ceux qui l’entouraient de se soustraire complètement à la mode dont il était le maître. Aussi, quoique dégagée des rivalités et des compétitions d’écoles, ignorant même sans doute ce qu’était une école littéraire, jetant simplement sur le papier, à ses heures de loisir, tout ce qu’elle avait de poésie, de tendresse et d’ardeurs, Louise Labé offre dans ses vers beaucoup des naïvetés, des mignardises et des formes heurtées, si chères aux écrivains de son temps. Mais elle reste toujours poète autant qu’elle est femme : quand une idée la saisit, le mot arrive et son vers jaillit avec une justesse, une netteté et un bonheur d’expression remarquables.

Aucun critique, à ma connaissance du moins, n’a fait remarquer que les sonnets de Louise Labé ne sont pas des morceaux détachés, sans suite entre eux, et disposés au hasard de la plume ou suivant le caprice de l’imprimeur. Chacun d’eux représente en miniature un épisode du poème inépuisable de l’amour, et l’ensemble forme comme un collier de camées dont les figurines nous en représentent les rêves, les aspirations,