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À M. C. D. B. L.


la gloire & l’honneur, le plaiſir que l’eſtude des lettres ha acoutumé donner nous y doit chacune inciter : qui eſt autre que les autres recreacions : deſquelles quand on en ha pris tant que lon veut, on ne ſe peut vanter d’autre choſe, que d’auoir paſsé le tems. Mais celle de l’eſtude laiſſe un contentement de ſoy, qui nous demeure plus longuement : Car le paſsé nous reſiouit, & ſert plus que le preſent : mais les plaiſirs des ſentimens ſe perdent incontinent, & ne reuiennent iamais, & en eſt quelquefois la mémoire autant facheuſe, comme les actes ont eſté delectables. Dauantage les autres voluptez ſont telles, que quelque ſouuenir qui en vienne, ſi ne nous peut il remettre en telle diſpoſicion que nous eſtions : & quelque imaginacion forte que nous imprimions en la teſte, ſi connoiſſons nous bien que ce n’eſt qu’une ombre du paſsé qui nous abuſe & trompe. Mais quand il auient que mettons par eſcrit nos concepcions, combien que puis après notre cerueau coure par une infinité d’afaires & inceſſamment remue, ſi eſt ce que long tems après reprenans nos eſcrits, nous reuenons au meſme point, & à la meſme diſpoſicion ou nous eſtions. Lors nous redouble notre aiſe, car nous retrouuons le plaiſir paſsé qu’auons ù ou en la matière dont eſcriuions, ou en l’intelligence des ſciences ou lors eſtions adonnez. Et outre ce, le iugement que font nos ſecondes concepcions des premières, nous rend un ſingulier contentement. Ces deus biens qui prouiennent d’eſcrire vous y doiuent inciter, eſtant aſſeuree que le premier ne faudra d’acompagner vos eſcrits, comme il fait tous