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DE DIVERS POETES.



 Voit un ciel, ainçois un tableau
 De criſtal, de glace, ou de verre :
 Et qui voit ſon ſourcil benin.
 Voit le petit arc hebenin,
 Dont Amour ſes traits nous deſſerre.
Celui qui voit ſon teint vermeil.
 Voit les roſes qu’à ſon réueil
 Phebus épanit & colore :
 Et qui voit ſes cheueus encor,
 Voit dens Pactole le treſor
 Dequoy ſes ſablons il redore.
Celui qui voit ſes yeus iumeaus,
 Voit au ciel deus heureus flambeaus.
 Qui rendent la nuit plus ſerene :
 Et celui qui peut quelquefois
 Eſcouter ſa diuine voix
 Entend celle d’une Sirene.
Celui qui fleure en la baiſant
 Son vent ſi dous & ſi plaiſant.
 Fleure l’odeur de la Sabee :
 Et qui voit ſes dens en riant
 Voit des terres de l’Orient
 Meinte perlette deſrobee.
Celui qui contemple ſon ſein
 Large, poli, profond & plein,
 De l’Amour contemple la gloire.
 Et voit ſon teton rondelet.
 Voit deus petis gazons de lait.
 Ou bien deus boulettes d’iuoire.