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ESCRIZ



 Du mont orguilleus de Foruiere :
 En cet endroit ou ie te vois
 Egaier meinte & meinte fois
 Entre l’une & l’autre riuiere.
Car deſlors que fatalement
 I’en aprochay premierement,
 Ie vis des la premiere aproche
 Ie ne ſay quelle belle fleur :
 Qui ſoudein m’eſclauant le cœur
 Le fit changer en une roche.
Ie viz encor tout à lentour
 Mile petis freres d’Amour,
 Qui menoient mile douces guerres :
 Et mile creintifs amoureus
 Qui tous comme moy langoureus
 Auoient leurs cœurs changez en pierres.
Depuis eſtant ainſi rocher,
 Ie viz près de moy aprocher
 Vne Meduſe plus acorte
 Que celle dont s’arme Pallas.
 Qui changea iadis cet Atlas
 Qui le Ciel ſur l’eſchine porte.
Car elle ayant moins de beautez,
 De ces cheueus enſerpentez
 Faiſoit ces changemens eſtranges :
 Mais cetteci, d’un ſeul regard
 De ſon œil doucement hagard
 Fait mile plus heureus eſchanges.
Celui qui voit ſon front ſi beau,