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DE DIVERS POETES.



Ne peuuent flater la langueur
Qui tient genné mon poure cœur ;
Bien que la mignarde maitreſſe,
Pour qui ie languis en détreſſe,
Contre mon amoureus tourment
Ne s’endurciſſe fierement,
Et bien qu’ingrate ne fait celle,
Celle gentile damoiſelle
Qui fait d’un regard bien humain,
Ardre cent feus dedens mon ſein.
 Mais que ſert toute la careſſe
Que ie reçoy de ma maitreſſe ?
Et que me vaut paſſer les iours
En telle eſperance d’amours.
Si les nuiz de mile ennuiz pleines
Rendent mes eſperances veines ?
Et les iours encor pleins d’ennuis,
Qu’abſent de la belle ie ſuis ?
Quand ie meurs, abſent de la belle.
Ou quand ie meurs preſent pres d’elle
N’oſant montrer (ô dur tourment !)
Comment ie l’ayme ardantement ?
 Celui vraiment eſt miſerable
Qu’Amour, voire eſtant fauorable,
Rend de ſa flame langoureus.
Chetif quiconque eſt amoureus.
Par qui ſi cher eſt eſtimee
Vne ſi legere fumee
D’un plaifir ſuiui de ſi près