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ESCRIZ



Me maitriſent de leur brandon.
Vos chanſons n’ont point de puiſſance
De me donner quelque allégeance
Aus tourmens qui tiennent mon cœur,
Genné d’une douce langueur
Ie n’ay que faire de vous, belles :
Adieu, gentiles Damoiſelles :
Car ny pour voir des monceaus d’or
Aſſemblez dedens un treſor,
Ny pour voir flofloter le Rone,
Ny pour voir eſcouler la Sone,
Ny le gargouillant ruiſſelet,
Qui coulant d’un bruit doucelet,
À dormir, d’une douce enuie,
Sur la freſche riue conuie :
Ny par les ombreus arbriſſeaus
Le dous ramage des oiſeaus,
Ny violons, ny eſpinettes,
Ny les gaillardes chanſonnettes,
Ny au chant des gayes chanſons
Voir les garces & les garçons
Fraper en rond, ſans qu’aucun erre,
D’un branle meſuré, la terre.
Ny tout celà qu’a de ioyeus
Le renouueau delicieus,
Ny de mon cher Giués (qui m’ayme
Comme ſes yeus) le confort meſme,
Mon cher Giués, qui comme moy
Languit en amoureus émoy,