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SONNETS.


Qui n’uſt pensé qu’en faueur deuoit croître
 Ce que le Ciel & deſtins firent naitre ?
 Mais quand ie voy ſi nubileus aprets,
Vents ſi cruels & tant horrible orage :
 Ie croy qu’eſtoient les infernaus arrets.
 Qui de ſi loin m’ourdiſſoient ce naufrage.

XXI.

Quelle grandeur rend l’homme venerable ?
 Quelle groſſeur ? quel poil ? quelle couleur ?
 Qui eſt des yeus le plus emmieleur ?
 Qui fait plus tot une playe incurable ?
Quel chant eſt plus à l’homme conuenable ?
 Qui plus pénètre en chantant ſa douleur ?
 Qui un dous lut fait encore meilleur ?
 Quel naturel eſt le plus amiable ?
Ie ne voudrois le dire aſſurément,
 Ayant Amour forcé mon iugement :
 Mais ie ſay bien & de tant ie m’aſſure.
Que tout le beau que l’on pourroit choiſir.
 Et que tout l’art qui ayde la Nature,
 Ne me ſauroient acroitre mon deſir.

XXII.

Luiſant Soleil, que tu es bien heureus,
 De voir touſiours de t’Amie la face :
 Et toy, ſa ſeur, qu’Endimion embraſſe.
 Tant te repais de miel amoureus.