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SONNETS.


XIX.

Diane eſtant en l’eſpeſſeur d’un bois,
 Apres auoir mainte beſte aſſenee.
 Prenait le frais, de Nynfes couronnée :
 I’allois reſuant comme fay maintefois,
Sans y penſer : quand i’ouy une vois,
 Qui m’apela, diſant, Nynfe eſtonnee,
 Que ne t’es tu vers Diane tournee ?
 Et me voyant ſans arc & ſans carquois,
Qu’as tu trouué, ô compagne, en ta voye,
 Qui de ton arc & fleſches ait fait proye ?
 Ie m’animay, reſpons ie, à un paſſant.
Et lui getay en vain toutes mes fleſches
 Et l’arc après : mais lui les ramaſſant
 Et les tirant me fit cent & cent breſches.

XX.

Predit me fut, que deuois fermement
 Vn iour aymer celui dont la figure
 Me fut deſcrite ; & ſans autre peinture
 Le reconnu quand vy premierement :
Puis le voyant aymer fatalement,
 Pitié ie pris de ſa triſte auenture :
 Et tellement ie forcay ma nature.
 Qu’autant que lui aymay ardentement.