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SONNETS.


Car ie ſuis tant nauree en toutes pars,
 Que plus en moy une nouuelle plaie,
 Pour m’empirer ne pourroit trouuer place.

IIII.

Depuis qu’Amour cruel empoiſonna
 Premièrement de ſon feu ma poitrine,
 Touſiours brulay de ſa fureur diuine,
 Qui un ſeul iour mon cœur n’abandonna.
Quelque trauail, dont aſſez me donna,
 Quelque menaſſe & procheine ruïne :
 Quelque penſer de mort qui tout termine,
 De rien mon coeur ardent ne s’eſtonna.
Tant plus qu’Amour nous vient fort aſſaillir,
 Plus il nous fait nos forces recueillir,
 Et touſiours frais en ſes combats fait eſtre :
Mais ce n’eſt pas qu’en rien nous fauoriſe,
 Cil qui les Dieus & les hommes meſpriſe :
 Mais pour plus fort contre les fors paroitre.

V.

Clere Venus, qui erres par les Cieus,
 Entens ma voix qui en pleins chantera.
 Tant que ta face au haut du Ciel luira,
 Son long trauail & ſouci ennuieus.
Mon œil veillant s’atendrira bien mieus,
 Et plus de pleurs te voyant gettera.
 Mieus mon lit mol de larmes baignera,
 De ſes trauaus voyant témoins tes yeus.