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ÉLÉGIES.



Ie n’ay qu’Amour & feu en mon courage,
Qui me deſguiſe, & fait autre paroitre.
Tant que ne peu moymeſme me connoitre.
Ie n’auois vu encore ſeize Hiuers,
Lors que i’entray en ces ennuis diuers :
Et ià voici le treizième eſté
Que mon cœur fut par amour arreſté.
Le tems met fin aus hautes Pyramides,
Le tems met fin aus fonteines humides :
Il ne pardonne aus braues Coliſees,
Il met à fin les viles plus priſees,
Finir auſſi il ha acoutumé
Le feu d’Amour tant ſoit il allumé :
Mais, las ! en moy il ſemble qu’il augmente
Auec le tems, & que plus me tourmente,
Paris ayma Oenone ardamment,
Mais ſon amour ne dura longuement,
Medee fut aymee de Iaſon,
Qui tot après la mit hors ſa maiſon.
Si meritoient elles eſtre eſtimees,
Et pour aymer leurs Amis, eſtre aymees.
S’eſtant aymé on peut Amour laiſſer
N’eſt il raiſon, ne l’eſtant, ſe laſſer ?
N’eſt il raiſon te prier de permettre,
Amour, que puiſſe à mes tourmens fin mettre ?
Ne permets point que de Mort face eſpreuue.
Et plus que toy pitoyable la treuue :
Mais ſi tu veus que i’ayme iuſqu’au bout,
Fay que celui que i’eſtime mon tout,