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ÉLÉGIES.



Que plus cruels que tigres ils ſeroient,
Quand maladie ils te prochaſſeroient ;
Bien que ta fole & volage inconſtance
Meriteroit auoir quelque ſoufrance.
Telle eſt ma foy, qu’elle pourra ſufire
À te garder d’auoir mal & martire.
Celui qui tient au haut Ciel ſon Empire
Ne me ſauroit, ce me ſemble, deſdire :
Mais quand mes pleurs & larmes entendroit
Pour toy prians, ſon ire il retiendroit.
I’ay de tout tems veſcu en ſon ſeruice,
Sans me ſentir coulpable d’autre vice
Que de t’auoir bien ſouuent en ſon lieu
D’amour forcé, adoré comme Dieu.
Defia deus fois depuis le promis terme
De ton retour, Phebe ſes cornes ferme,
Sans que de bonne ou mauuaiſe fortune
De toy, Ami, i’aye nouuelle aucune.
Si toutefois, pour eſtre enamouré
En autre lieu, tu as tant demouré,
Si ſày ie bien que t’amie nouuelle
À peine aura le renom d’eſtre telle,
Soit en beauté, vertu, grace & faconde.
Comme pluſieurs gens ſauans par le monde
M’ont fait à tort, ce croy ie, eſtre eſtimee.
Mais qui pourra garder la renommee ?
Non ſeulement en France ſuis flatee.
Et beaucoup plus, que ne veus, exaltee.
La terre auſſi que Calpe & Pyrenee