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ÉLÉGIES


Que plus cruels que tigres ils seroient,
Quand maladie ils te prochasseroient :
Bien que ta fole et volage inconstance
Meriteroit auoir quelque soufrance.
Telle est mo foy, qu’elle pourra sufire
À te garder d’auoir mal et martire.
Celui qui tient au haut Ciel son Empire
Ne me sauroit, ce me semble, desdire :
Mais quand mes pleurs et larmes entendroit
Pour toy prians, son ire il retiendroit.
I’ay de tout tems vescu en son seruice,
Sans me sentir coulpable d’autre vice
Que de t’auoir bien souuent en son lieu
D’amour forcé, adoré comme Dieu.
Desia deus fois depuis le promis terme
De ton retour, Phebe ses cornes ferme,
Sans que de bonne ou mauuaise fortune
De toy, Ami, i’aye nouuelle aucune.
Si toutefois, pour estre enamouré
En autre lieu, tu as tant demeuré,
Si s’ay ie bien que t’amie nouuelle
À peine aura le renom d’estre telle,