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LOUISE LABÉ


Bruler d’ardeur, et pleindre tendrement
L’apre rigueur de son tardif tourment.
Alors de fard et eau continuelle
Elle essayoit se faire venir belle,
Voulant chasser le ridé labourage.
Que l’aage avoit graué sur son visage.
Sur son chef gris elle avait empruntee
Quelque perruque, et assez mal antee :
Et plus estoit à son gré bien fardee.
De son Ami moins estoit regardee :
Lequel ailleurs fuiant n’en tenoit conte,
Tant lui sembloit laide, et auoit grand’honte
D’estre aymé d’elle. Ainsi la poure vieille
Receuoit bien pareille pour pareille.
De maints en vain un temps fut reclamee,
Ores quelle ayme, elle n’est point aymee.
Ainsi Amour prend son plaisir, à faire
Que le veuil d’un sait à l’autre contraire.
Tel n’ayme point, qu’une Dame aymera :
Tel ayme aussi, qui aymé ne sera :
Et entretient, neanmoins, sa puissance
Et sa rigueur d’une vaine esperance.