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ÉLÉGIES


Qu’est deuenu ce fer et cet escu,
Dont tu rendois le plus braue veincu ?
Ou as tu mis la Marciale creste,
Qui obombroit le blond or de ta teste ?
Ou est l’espée, ou est cette cuirasse.
Dont tu rompois des ennemis l’audace ?
Ou sont fuiz tes coursiers furieus,
Lesquels trainoient ton char victorieus ?
T’a pù si tot un foible ennemi rompre ?
Ha pù si tot ton cœur viril corrompre,
Que le plaisir d’armes plus ne te touche :
Mais seulement languis en une couche ?
Tu as laissé les aigreurs Marciales,
Pour recouurer les douceurs geniales.
Ainsi Amour de toy t’a estrangee,
Qu’on te diroit en une autre changee,
Donques celui lequel d’amour esprise
Pleindre me voit, que point il ne mesprise
Mon triste deuil : Amour peut estre, en brief
En son endroit n’aparoitra moins grief.
Telle i’ay vù qui auoit en jeunesse
Blamé Amour : apres en sa vieillesse