Page:La sottise esperantiste.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux femmes de la société polie. Elle a passé au-dessus du monde français sans toucher ni son intelligence, ni sa sensibilité, et cela pendant les années les plus délicates pour une nation, les années de sa formation. Les nations de l’est et du nord, au contraire, virent coïncider la naissance de leur conscience nationale avec les grands incendies théologiques de la Réforme. La théologie de Calvin et celle de Luther se formulèrent dans la langue du peuple : ces peuples devinrent, du même coup, théologiens.

Dans les sociétés catholiques, au contraire, où la théologie a évolué dans une langue morte, où la liturgie s’est cristallisée en des formules, où la prière en commun s’exprime en des syllabes qui ne sont que de la musique, ces sociétés sont demeurées dans une parfaite laïcité. La société française a laissé les prêtres exercer, selon les règles anciennes, leur sacerdoce, et elle a exercé le sien qui fut de créer la politesse, le goût, le sourire.

Ceci est un apologue, et qui veut dire qu’une science — la théologie fut longtemps la seule science et les comprenant toutes — qui développe dans une langue morte, ou factice, ses travaux et ses conclusions, se condamne à n’avoir qu’une influence presque nulle sur la marche des idées. Les congrès d’esperantistes pourront faire édicter des lois d’hygiène et même de morale, comme les conciles, des prescriptions religieuses ; et le monde obéira sans doute, mais sans comprendre.