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APPENDICE.


L’auteur sacré parle conformément au langage vulgaire, sans se préoccuper de théories astronomiques, au milieu du feu de la bataille. » (Keil)

On allègue contre les réponses que nous venons de rapporter la condamnation de Galilée par le Saint Office. Mais la décision du Saint Office ne nous force pas à interpréter ce passage de Josué comme il l’a fait. Un éminent canoniste, M. Bouix, dans son travail sur La condamnation de Galilée, a établi et démontré les propositions suivantes, qui suffisent pour justifier le sens donné aujourd’hui à ce texte par tous les exégètes : « Le système du mouvement terrestre est beaucoup plus ancien que celui de Ptolémée. L’enseignement en avait toujours été permis jusqu’à l’affaire de Galilée ; le tort de la congrégation fut de ne pas continuer cette tolérance. — La congrégation des cardinaux s’est trompée en déclarant fausse et opposée à l’Ecriture Sainte l’opinion du mouvement terrestre, et en procédant contre Galilée à cause de cette opinion. Mais son erreur ne prouve point que l’institution du Saint Office soit mauvaise. Elle ne prouve rien contre l’infaillibilité du Pape. — Le tribunal du Saint Office eut tort d’exiger de Galilée qu’il abjurât l’opinion du mouvement terrestre. — Aucun acte pontifical ex cathedra n’a jamais approuvé ni confirmé le décret de 1616 ni la sentence de 1633. »

Note 14, p. 419. — DU DROIT DE CONQUÊTE DES HÉBREUX ET DE L’EXTERMINATION DES CHANANÉENS.

On s’est demandé de quel droit les Hébreux avaient chassé les Chananéens de la terre qu’ils occupaient et les avaient exterminés. — La question du droit de conquête des tribus ou des peuplades qui émigrent en pays étranger, s’en emparent de vive force et en chassent les anciens habitants, soit parce qu’elles ont été expulsées elles-mêmes de leur propre patrie et refoulées par d’autres émigrations, soit parce que leur trop grand nombre les a contraintes d’aller chercher ailleurs des moyens de subsistance qu’elles ne trouvaient plus sur le sol natal, cette question est insoluble pour la science humaine, comme la question de la guerre elle-même. Elle est une conséquence de l’existence de l’homme sur la terre, une condition de la vie et de la régénération des sociétés, une sorte de loi de l’humanité, loi mystérieuse que l’histoire constate à toutes ses pages sans pouvoir l’expliquer. Il n’existe guère aujourd’hui, sur notre globe, de terre habitable où les colons primitifs n’aient été supplantés par des envahisseurs plus forts, venus après eux. Les invasions des barbares aux ive et ve siècles ne sont pas un fait isolé ; il s’était produit souvent dans les siècles antérieurs, et il se répétera encore dans les siècles futurs : les mêmes causes ramèneront les mêmes effets.

Nous n’avons ni à expliquer ni à justifier une loi sociale dont le motif, connu de Dieu seul, échappe à nos faibles yeux. Quand les peuples ne peuvent plus être contenus dans leurs anciennes limites, leurs flots débordent comme un fleuve grossi, en inondant et ravageant tout sur leur passage. Ils ne se posent point de questions théoriques, ils ne songent pas au droit des gens ; ils suivent une sorte d’instinct, ils veulent vivre. Les Israélites, opprimés en Égypte, trop nombreux pour se fixer dans l’étroit désert du Sinaï, suivent la loi qui règle les migrations humaines, ils vont chercher dans la terre de Chanaan ce qu’ils n’ont pas ailleurs : l’indépendance religieuse et politique, en s’affranchissant d’un joug injuste, et des champs à cultiver pour se nourrir. Ce qui rend compte des migrations de tous les autres peuples peut rendre compte aussi de la migration d’Israël, et les incrédules ne peuvent lui refuser un certain droit de se faire, même par les armes, comme les autres peuples, une place au soleil.

Cependant il faut observer, de plus, qu’en dehors du besoin d’avoir une patrie propre, les Hébreux avaient un titre particulier de possession à la terre de Chanaan, titre dont ils avaient connaissance et qu’ils invoquaient pour justifier leur conquête : la Palestine, c’était pour eux la Terre Promise ; Dieu leur en avait fait don. Or, on ne saurait contester à Dieu la propriété de la terre qu’il a créée, Ps. xxiii, 1. Tout ce qu’on peut demander, c’est qu’il ne voue point sans motif des nations entières à l’extermination, et ce motif, Dieu l’avait, et il nous l’a fait connaître. S’il condamnait les Amorrhéens à périr sous les coups des enfants de Jacob, c’est parce que la mesure de leurs crimes était comble, et qu’il voulait les châtier de leurs monstrueuses pré-