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APPENDICE.


chronologie ecclésiastique officielle. « C’est une erreur de croire, dit Mgr Meignao, que la foi catholique enferme l’existence de l’homme dans une durée qui ne peut dépasser six mille ans. L’Eglise ne s’est jamais prononcée sur une question aussi délicate. » L’Ancien Testament ne connaît point d’ère, c’est-à-dire de point de départ fixe choisi pour compter les années et servir de terme de comparaison à tous les autres événements, comme par exemple la date de la naissance de Jésus-Christ. Il contient néanmoins des données chronologiques, c’est-à-dire des éléments de calcul dont on peut se servir pour construire une chronologie, quoique aucun auteur inspiré ne nous présente une chronologie toute faite. Ces éléments sont les générations des patriarches et le nombre d’années pendant lesquelles ils ont vécu. Dans l’état où ils nous sont parvenus, ils sont insuffisants pour établir une chronologie rigoureuse et absolument certaine.

Pour supputer, en effet, exactement les années depuis la création de l’homme, à l’aide des tableaux des générations des patriarches, il faudrait : 1o posséder les vrais chiffres écrits par les auteurs sacrés dans le Pentateuque et dans les autres livres inspirés ; 2o avoir des listes généalogiques complètes, c’est-à-dire sans lacunes. — 1o Il est évident que si les chiffres bibliques ont été altérés et que si nous manquons des moyens nécessaires pour les rétablir dans leur intégrité, nous ne pouvons plus affirmer que tel chiffre est vrai. — 2o De plus, comme la chronologie sacrée a été construite artificiellement par l’addition de l’âge des patriarches et en partant de la supposition que la liste des générations est complète, si cette hypothèse est fausse et que Moïse ait omis une ou plusieurs générations, on voit aisément qu’il est impossible de savoir quel temps s’est écoulé, par exemple, de Noé jusqu’à Abraham ; il résulte aussi de là que toutes les chronologies données jusqu’ici sont trop courtes. Or 1o les chiffres bibliques ne nous sont pas parvenus sans altération et 2o il n’est pas constaté que les listes généalogiques soient complètes.

1o Nous n’avons aucun moyen efficace et infaillible de savoir quels ont été les chiffres primitifs de la Genèse, car tous les textes anciens que nous possédons sont en complet désaccord entre eux. Rien ne s’altère dans les manuscrits aussi facilement que les chiffres, parce que le sens de la phrase ne permet pas au copiste de discerner quel est le véritable signe qu’il doit lire dans l’original, quand cet original est mal écrit ; aussi tous les chiffres qu’on rencontre dans les copies diverses des auteurs anciens, quels qu’ils soient, grecs, latins, hébreux, sont plus ou moins contradictoires. Dieu n’a pas voulu faire un miracle pour garantir de toute altération les dates du texte sacré. Elles n’intéressent ni le dogme ni la morale, et il a jugé, dans sa sagesse, qu’il n’y avait aucun inconvénient à ce que nous restions dans l’ignorance sur la véritable chronologie. Il n’a pas voulu nous apprendre dans les Evangiles si le ministère public de Notre Seigneur avait duré un, deux, trois ou quatre ans et plus, et l’on peut apporter des raisons qui ne sont pas sans force en faveur de chacune de ces opinions ; il n’a pas jugé non plus nécessaire de nous faire savoir le nombre exact d’années qui s’est écoulé depuis la chute d’Adam jusqu’à la venue du Rédempteur.

Ainsi, par exemple, il existe une divergence d’environ 2,000 ans entre la chronologie des Septante et celle de la Bible hébraïque, reproduite par notre Vulgate. Le texte grec, qui est la plus ancienne version de l’Ancien Testament, compte 2,262 ans avant le déluge ; l’hébreu et notre Vulgate, 1,656, le Pentateuque samaritain n’en compte que 1,307. De Noé à Abraham, les Septante ont 1172 ans, l’hébreu et le latin 292 et le samaritain 942. De ces chiffres si divers, quels sont les vrais ? Tous même ne sont-ils pas altérés ? C’est là une question à laquelle personne ne peut répondre. La critique est impuissante à résoudre le problème. L’Eglise ne se prononce pas. Pendant les six premiers siècles de notre ère, les écrivains ecclésiastiques grecs et latins ont admis la chronologie des Septante. L’Eglise grecque l’admet encore aujourd’hui. Le martyrologe romain l’a également conservée ; il place la création 5,199 ans, le déluge 2,957 ans avant J.-C. Depuis le xvie siècle, les critiques ont réussi à faire prévaloir généralement la chronologie du texte hébreu, qui place la création 4,000 ans et le déluge 2,500 ans avant J.-C.; mais chaque savant a plus ou moins modifié ces chiffres on compte plus de 200 systèmes chronologiques, tous fondés sur les données bibliques, diversement combinées entre elles ou modifiées d’après les variantes des textes.

2o Non seulement nous ignorons quels sont les vrais chiffres primitifs des listes