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PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT JEAN.


l’Eglise, un grand nombre de judaïsants, à demi convertis, s’éprirent du désir de se faire fondateurs de religions, ou plutôt réformateurs et chefs de sectes. Chacun se composa à son gré un système où il mélangea à divers degrés les dogmes du christianisme, les traditions juives et les idées philosophiques de l’Orient. De là un commencement de gnose, assez indécis d’abord, qui se diversifia suivant les lieux et les personnes, mais dont la tendance générale était de rabaisser la dignité du Sauveur et de reporter sur les spéculations philosophiques l’importance que la religion chrétienne attachait à la pratique de la vertu. Cérinthe (80-100) ne voulut voir en Jésus-Christ qu’une union morale et passagère du Christ ou du Dieu suprême avec une personne liumaine. D’autres ne reconnurent même pas la réalité de cette courte union. Selon eux, la chair ayant pour auteur le principe du mal et étant mauvaise de sa nature, le Verbe n’avait pu s’unir à elle : il n’avait pris qu’une forme humaine pour nous donner des instructions et des exemples. Il n’existait donc pas d’Homme-Dieu. Quant à la rédemption, elle n’avait pas eu lieu non plus. Il est vrai qu’elle perdait sa raison d’être, l’homme n’ayant pas besoin d’être racheté, mais seulement d’être instruit ; car c’était une maxime admise par tous ces novateurs, que pour plaire à Dieu, il suffisait de le connaître et d’avoir l’intelligence de ses mystères. A leurs yeux, la science et la sainteté étaient une même chose. La vertu ne contribuait en rien à la perfection, et le péché n’y mettait aucun obstacle.

S. Paul, passant près d’Ephèse en l’an 58, avait annoncé l’apparition prochaine de ces hérésies, et, un peu plus tard, écrivant à Timothée, évêque de cette ville, il lui inculquait l’obligation où il était de les combattre. Mais ce fut surtout l’œuvre de S. Jean qui vint lui-même s’établir à Ephèse après la mort de la sainte Vierge. Il s’en acquitta, en affirmant, avec toute l’énergie et la netteté possibles, dans cette Epître comme dans son Evangile, les dogmes les plus essentiels du christianisme, la nature humaine du Sauveur, sa divinité et surtout l’union personnelle de son humanité et de sa divinité. Aussi se trouve-t-il avoir réfuté par avance les hérésies plus dangereuses et plus puissantes qui allaient bientôt déchirer l’Eglise, et altérer, chacune à sa manière, le mystère de l’Incarnation : l’arianisme, le nestorianisme, l’eutychianisme, etc.

Nul écrit ne se prête moins à une analyse proprement dite. On voit bien néanmoins le but de l’auteur : il est à la fois dogmatique et moral. En même temps qu’il affermit les fidèles dans la croyance à la divinité du Sauveur, à la réalité de son sacrifice et à l’universalité de la Rédemption, S. Jean s’efforce de les convaincre de la nécessité de pratiquer la vertu et surtout de l’importance de la charité. Ainsi les exhortations se mêlent à la polémique et aux enseignements doctrinaux. Jésus-Christ est montré tour à tour comme vrai Dieu, comme vrai homme, comme médiateur, comme victime, comme source de toute grâce et de tout pardon. Le péché est présenté comme incompatible avec la grâce sanctifiante, et les bonnes œuvres comme indispensables pour le salut. De l’ensemble de l’Epître résulte cette conclusion : Que la vocation du chrétien est de participer à la vie de Dieu, eu s’attachant à Notre Seigneur par la foi et en s’appropriant ses mérites par une vie pure et sainte, (L. Bacuez.)