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INTRODUCTION.


qui avait le plus d’importance pour l’avenir du christianisme, savoir : que la grâce et le salut étaient offerts à tous, aux Gentils comme aux Juifs, à la seule condition de croire en Jésus-Christ et d’embrasser sa loi ? — 4o Les lumières que Dieu lui donnait sur l’avenir de l’Eglise de Rome, destinée à être le centre et le foyer du christianisme, mais menacée des plus terribles persécutions, et appelée à acheter, par trois siècles de martyre, sa domination si glorieuse et si féconde sur toutes les autres Eglises.

Quoi qu’il en soit, S. Paul avait depuis longtemps le désir, non de s’établir à Rome, mais de prêcher l’Evangile aux Romains, et il ne paraît pas qu’il ait jamais poursuivi avec autant d’ardeur aucun autre dessein. On sait par les Actes comment Dieu lui donna de le réaliser.

Cette Epître ne suppose-t-elle pas qu’il y avait à Rome, entre les convertis du Judaïsme et ceux de la Gentilité, une contestation sur leur mérite relatif? — S. Augustin l’a pensé, et beaucoup d’interprètes après lui. Ils ont cru que les Juifs et les Gentils convertis se disputaient la palme du mérite, que les uns et les autres prétendaient avoir les meilleurs titres à la grâce de l’Evangile et à l’amitié de Dieu, que les premiers se prévalaient de leur fidélité à pratiquer la loi de Moïse, et les seconds des lumières de leurs philosophes et des vertus de leurs sages. Mais c’est une simple hypothèse, suggérée par certains versets, non un fait établi par des témoignages historiques. En outre, cette supposition ne s’accorde pas très bien avec les éloges que S. Paul donne à l’Eglise de Rome, et avec l’édification qu’elle répandait dès lors dans tout l’univers ; et l’on n’a pas besoin d’y recourir pour expliquer les considérations de l’Apôtre sur l’abus que les Gentils faisaient de leur raison, sur l’impuissance de la loi à justifier les âmes, et sur la gratuité absolue de la foi. S. Paul connaissait la disposition de ses compatriotes à se préférer au reste des hommes. Il savait quel était l’orgueil des Grecs et des Romains. N’était-ce pas assez pour qu’il prit soin de porter les uns et les autres à s’humilier devant Dieu, à reconnaître leur indignité, à confesser que leur conversion était un pur effet de sa miséricorde? Tel est, ce nous semble, le véritable point de vue. S. Paul se propose moins de réprimer une contestation survenue à Rome entre deux partis rivaux, que d’en étouffer les germes, en inspirant aux uns et aux autres une profonde reconnaissance envers Dieu pour le don de la foi, en apprenant aux Juifs, comme aux Gentils, en quoi consiste la grâce de la justification, quelle en est l’origine, quels en sont les conditions, les caractères, les effets, et en leur faisant sentir l’impuissance où ils sont, soit d’y suppléer par la raison, soit de la mériter parleurs œuvres.

L’Epître aux Romains a, de tout temps, effrayé les interprètes. Les difficultés qu’elle présente ont rapport à la grâce, dont l’Apôtre est le grand prédicateur, et aux questions qu’elle soulève, du péché originel, de la concupiscence, de la justification, de la prédestination et de la réprobation. Tous les hérétiques qui ont nié ou blessé plus ou moins la liberté humaine, depuis Valentin le gnostique jusqu’à Luther et Jansénius, ont allégué quelques passages de cette Epître et de celle aux Galates. Mais, en condamnant leurs erreurs, l’Eglise a éclairci la matière et fixé le sens de beaucoup de textes. Si l’on tient compte de ses définitions et qu’on ait soin de choisir de bons commentaires, on verra que l’Apôtre est loin d’être incompréhensible, et que ce n’est pas sans fruit qu’on étudie ses écrits.

Il y a lieu de croire que l’Epître aux Romains n’a pas été faite tout d’un jet,