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2. Si nous commençons à te parler, peut-être le supporteras-tu avec peine ; mais qui pourrait retenir les paroles qu’il a conçues ?

3. Voilà que tu as instruit un grand nombre de personnes et fortifié des mains affaiblies.

4. Tes discours ont affermi ceux qui vacillaient, et tu as fortifié les genoux tremblants.

5. Mais maintenant la plaie est venue sur toi, et tu as perdu courage ; elle t’a touché, et tu es troublé.

6. Où donc est ta crainte de Dieu, ta force, ta patience, la perfection de tes voies ?

7. Cherche dans ton souvenir, je t’en conjure ; qui a jamais péri innocent ? ou quand des justes ont-ils été exterminés ?[1]

8. Mais plutôt j’ai vu que ceux qui opèrent l’iniquité, sèment des douleurs et les moissonnent.

9. Ont péri au souffle de Dieu, et que par le vent de sa colère ils ont été consumés.

10. Le rugissement du lion, et la voix de la lionne et les dents des petits lions ont été brisés.

11. Le tigre a péri, parce qu’il n’avait pas de proie, et les petits du lion ont été dissipés.

12. Cependant une parole secrète m’a été dite, et mon oreille a saisi comme furtivement la suite de sa susurration.[2]

13. Dans l’horreur d’une vision nocturne, quand le sommeil a coutume de s’emparer des hommes,

14. L’effroi me saisit, et un tremblement ; et tous mes os furent glacés d’épouvante.

15. Et comme un esprit passait, moi présent, les poils de ma chair se hérissèrent.

16. Il s’arrêta quelqu’un dont

    [[La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Baruch#CHAPITRE 3.|Baruch, 3, 22-23]]. Il témoigne d’abord à Job dans son premier discours, plus d’affection et de sympathie que ses deux compagnons, mais, trompé par une foi aveugle à une opinion qu’il n’a jamais entendu contester (contestée ?), savoir que l’on souffre jamais que parce qu’on l’a mérité, il ne croit pas à l’innocence de celui qu’il est venu consoler, et ne tarde pas à se montrer dur et injuste à son égard. La vérité qu’il s’attache le plus à faire ressortir dans son langage, c’est la majesté et la pureté de Dieu, voir Job, 4, 12-21 ; 15, 12-16. ― Eliphaz ouvre la discussion avec la confiance qu’inspire l’expérience et sur le ton d’un prophète. C’est dans son premier discours qu’il parle avec le plus d’assurance. Le fond de son langage est vrai d’ailleurs ; il n’est faux que dans l’application exagérée qu’il en fait au cas présent. Tout se lie très bien dans ce que dit Eliphaz : au point de vue de la disposition oratoire et de l’arrangement des parties, ce discours est le plus parfait du poème. La révélation et l’expérience, les habitants du ciel et ceux de la terre lui ont appris à quoi s’en tenir sur le problème de la souffrance : 1o Job ne doit pas oublier qu’il a consolé autrefois des malheureux en leur disant que ce ne sont que les méchants, non les justes qui périssent, chapitre 4, versets 2 à 11. ― 2o Une vision nocturne lui a appris à lui-même que personne n’est juste devant Dieu, versets 12 à 21. ― 3o Le chagrin qui empêche Job de recourir à l’intercession des anges est la cause de la ruine des insensés, chapitre 5, versets 1 à 7. ― 4o Il doit se tourner vers Dieu, le juge équitable du juste et de l’impie, versets 8 à 16. ― 5o Heureux celui que Dieu châtie ! Dieu, par ce châtiment, veut lui préparer un grand bonheur, versets 17 à 27. Chacune de ces cinq pensées est tout à la fois une thèse et un reproche contre Job.

  1. Job 4,7 : Qui a jamais péri, etc. On peut être innocent et périr en cette vie ; on peut être éprouvé par des malheurs et cependant être juste et innocent. Plusieurs prophètes et les martyrs en offrent un exemple sensible.
  2. Job 4,12 : La suite ; littéralement les veines. Il paraît certain que saint Jérôme a donné ici au latin vena le sens qu’on lui trouve dans le moyen âge, celui de série, ordre, ordo, series.