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exactes, il paraît certain qu’il n’en resta pas plus de 200 à 250 pour se défendre, et encore parmi ce nombre plusieurs avaient voulu fuir, mais ne l’avaient pu, parce qu’ils étaient enfermés dans l’église. Plusieurs de ceux qui étaient ainsi enfermés n’avaient pas d’armes, et comme ils s’en plaignaient, le Dr. Chénier leur répondit bien froidement : "Soyez tranquilles, il y en aura de tués et vous prendrez leurs fusils."

M. Chartier qui se trouvait alors au village, fut tellement pressé de se sauver dès qu’il eut entendu quelques coups de canon, qu’il n’eut pas le temps de prendre sa voiture qui était chez le Dr. Chénier, et qu’il se sauva à pied. A quelque distance du village il se jeta dans une traîne qui passait avec deux femmes et cinq ou six enfants en bas âge ; mais bientôt, trouvant que cette traîne n’allait pas assez vite, il se remit à courir de plus belle et courut ainsi pendant une demi-heure au moins avec une foule de fuyards, ne le cédant à personne en agilité. Enfin, à la concession du Petit Chicot, il prit une voiture et se rendit en toute hâte au Grand Brûlé porter la nouvelle de ce qui se passait à Saint-Eustache.[1]

Le brave général Girod, après avoir fait tout son possible pour placer ses guerriers dans les divers postes, et en avoir même frappé plusieurs du plat de son sabre pour les empêcher de fuir, crut qu’il était temps de songer à sa propre sûreté. Sans doute il avait donné toute sa dose de courage à ses troupes, car il ne lui en resta pas assez pour demeurer avec elles, Girod qui avait eu des renseignemens positifs sur le nombre des troupes qui s’avançaient, savait très-bien qu’il ne pouvait leur résister. Abandonnant donc les malheureux

  1. M. Chartier fut interdit par Mgr Lartigue, év. de Montréal, après une enquête en forme faite publiquement à St-Benoît par Mgr Bourget, év. de Telmesse et coadjuteur. Il fut ensuite proscrit par lord Durham, et se réfugia aux Etats-Unis, où il exerça le ministère dans le diocèse de Vincennes. Il avait alors 71 ans. Il parlait bien, dit l’abbé Faquin dans ses mémoires inédits, et accompagnait souvent les évêques dans leurs visites pastorales.—C. A. M. G.