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la place de l’église avec leurs armes, comme s’il se fût agi d’une revue ou du départ pour une expédition. Ils étaient au nombre de huit cents, ou environ, armés et équipés de la manière la plus pitoyable et la plus grotesque, tel que nous l’avons dit plus haut. Girod se présenta et leur adressa la parole avec sa violence et son effronterie ordinaires ; il leur répéta tous les mensonges qu’il leur avait déjà faits si souvent et les excita à s’enflammer d’une nouvelle ardeur. Après qu’il eut terminé sa harangue, M. Chartier monta sur la galerie et parla pendant une vingtaine de minutes ; ses paroles se ressentaient peu de son ministère. Nous n’entrerons dans aucun détail sur ce discours et nous jetterons un voile sur cette circonstance bien déplorable, sans droit en elle-même, mais qui ne peut faire aucun tort au clergé canadien ; car M. Chartier n’a pas eu d’imitateur parmi ses confrères.

Pendant que M. Chartier prononçait sa bouillante harangue, M. Girod s’apercevant que M. Desèves cherchait à s’éloigner par crainte de se compromettre, il se hâta d’entamer avec lui la conversation. En la terminant il lui dit : « J’espère, monsieur, que vous prierez pour nous pendant que nous irons combattre pour la patrie ; vous n’êtes pas nos ennemis, sans doute. » « Vous ne devez pas ignorer, monsieur, lui dit M. Désèves, que les prêtres ne sont ennemis de personne. » « Oh ! répondit le général, je connais bien votre politique à vous autres, messieurs, vous ne me ferez pas prendre un X pour un U. »

Comme M. Desèves se disposait à répondre, M. Chartier entra tout essoufflé des efforts qu’il avait faits en prononçant son discours : « Eh bien, dit-il en entrant, me voilà maintenant en butte à l’autorité ecclésiastique ; il me faudra donc double courage. »

Tous les soldats avaient quitté la place et s’étaient retirés dans le camp ; M. Chartier et le général Girod repartirent pour St-Benoît. On apprit alors qu’il s’était tenu un conseil de guerre où tout l’état-major avait été appelé. Il s’y était agi de décider si l’on avancerait sur St-Martin ce jour-là, ou si l’on attendrait encore quelques