Page:La rebellion de 1837 à Saint-Eustache.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— XII —

ajouta que pour lui, sa résolution était invariable, qu'il était déterminé à mourir les armes à la main plutôt que de se rendre ; il alla jusqu'à dire : "qu'autant valait essayer de prendre la lune avec les dents que de chercher à ébranler sa résolution." Malgré toute son opiniâtreté, cependant le Dr. Chénier ne put surmonter une profonde émotion qui s'empara de lui, car de temps en temps de grosses larmes s'échappaient de ses yeux et coulaient malgré ses efforts pour les retenir.

M. Paquin s'étant convaincu qu'il n'y avait rien à gagner avec le Dr. Chénier, prit la résolution de se rendre à Montréal le lendemain avec son beau-frère M. Féré, afin de faire connaître aux autorités les dispositions actuelles des habitans dont le premier feu s'était ralenti et afin de prévenir s'il se pouvait les désordres inévitables, si on en venait à une bataille,

4 décembre. — D'après cette résolution, le lendemain matin, Messire Paquin se disposa à se mettre en route pour Montréal, mais au moment même de son départ on vint lui dire qu'il lui serait impossible de sortir du village. Le Dr. Chénier avait employé toute la nuit à envoyer des émissaires dans les différentes côtes et à ramasser les plus déterminés de ses partisans pour garder le camp qu'il avait établi dans le village. Il avait établi des sentinelles à tous les passages, en sorte que personne ne pouvait sortir du village ni des environs sans un permis signé de sa main. M. Paquin lui demanda un permis de ce genre ; mais il lui fut nettement refusé. Le Dr. se rendit au presbytère, l'épée à la main, pour accompagner son refus de quelques explications, et dit qu'il se croyait obligé de s'opposer à ce voyage qu'il croyait devoir être nuisible à sa cause. M. Paquin eut alors avec lui une conversation longue et animée dans laquelle il insista fortement sur la folie de la conduite du Docteur ; il lui représenta tous les malheurs qu'il allait attirer sur la paroisse : le village serait brûlé et pillé, toute la paroisse saccagée, etc, etc. Après avoir fait une peinture touchante des maux qui allaient fondre sur St--