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la voie, mais pour en assurer la neutralité[1], » de même qu’il a ouvert l’Ogôoué au commerce européen, et non exclusivement au commerce français. À la Chambre des députés, d’autre part, un orateur[2] a pu affirmer que le but du gouvernement était « simplement de fonder des stations scientifiques, hospitalières et commerciales. » La présence d’un détachement armé à Brazzaville, pour protéger la place,[3] n’implique nullement des visées conquérantes ou belliqueuses, de même qu’en temps d’hostilités la présence d’un poste de police auprès d’un hôpital militaire ne constitue pas une violation de la Convention de Genève. La France semble donc s’associer aux vues de son explorateur, et être prête à consentir à ce qu’il a appelé la « neutralité » du Congo, par quoi il entendait apparemment la liberté de navigation et de commerce, rien de plus, rien de moins.

Quant au Portugal, j’ai eu, au premier abord, quelques doutes sur son acquiescement, en me reportant à un épisode du Congrès international de géographie commerciale tenu à Paris en 1878. Dans la séance du 27 septembre, l’une des sections « émit le vœu que les Chambres de commerce s’associassent aux efforts faits par les gouvernements, les sociétés de géographie et les particuliers, pour faciliter et multiplier les expéditions ayant pour but l’exploration du bassin du Congo et de l’Afrique équatoriale[4]. » Mais les délégués portugais s’élevèrent fortement contre cette prétention. « C’est un vœu tout à fait politique, dirent-ils ; il porterait atteinte aux droits indiscutables du Portugal sur le Congo. Les délégués seraient forcés de se retirer si ce vœu était discuté, car ils ne peuvent autoriser par leur présence quelque discussion ou délibération que ce soit, directe ou indirecte, renfermant l’idée d’une ingérence étrangère quelconque dans la politique et dans l’administration coloniale du Portugal. » L’énergie de cette protestation a été expliquée tout dernièrement, dans un important document de provenance portugaise, par cette remarque que le texte du vœu de Paris, tel que je l’ai rapporté ci-dessus, n’est pas très conforme à la « suggestion initiale, laquelle, » dit l’auteur, « enveloppait une question de police et de protection internationale sur notre grand fleuve africain[5]. « L’Institut

  1. Compte rendu des séances de la Société de géographie de Paris, p. 290.
  2. M. Rouvier (Séance du 20 novembre 1882).
  3. Le Congo. Article du Courrier des États-Unis et réponse d’un membre de l’Association internationale africaine, p. 17. — Deloume, p. 68.
  4. Compte-rendu, p. 182.
  5. La question du Zaïre. Droits du Portugal. Memorandum, p. 48.