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Ce serait alors une véritable neutralisation de cette partie de l’Afrique. En temps ordinaire, l’accès du fleuve ne serait pas plus interdit aux navires de guerre que le littoral maritime ; la présence de semblables vaisseaux pourrait y être nécessaire aux riverains, soit comme porte-respect, soit comme arme en cas de légitime défense, et l’intérêt général n’exige pas qu’on les en prive. Quant aux conflits locaux, qui auraient leur source ou leur objet dans le pays même, il serait téméraire d’interdire absolument l’immixtion des habitants dans les démêlés de leurs voisins, où ils peuvent avoir des intérêts vitaux engagés. Mais ce que l’on peut fort bien faire, c’est de déclarer que, dans cette circonstance, la circulation sur le fleuve et l’usage des ports non bloqués seront toujours libres, au moins pour les neutres, sauf quant au transport de la contrebande de guerre[1].

Il serait indispensable encore d’établir, comme pour le Danube, une commission internationale[2], composée de représentants des États intéressés, et qui serait chargée soit de remplir, pour le compte de la communauté, certaines fonctions administratives ou techniques, soit de veiller en permanence à l’observation du traité, ce qui contribuerait probablement à prévenir bien des conflits.

D’ailleurs, ce serait le cas de proclamer que tous les différends qui s’élèveraient à ce sujet, ou même, d’une manière générale, que tout différend qui surgirait entre les riverains du Congo serait réglé par voie d’arbitrage, et que l’on suivrait pour cela la procédure tracée par le règlement élaboré dans le sein de l’Institut de droit international[3].

Enfin, il devrait être convenu que le traité sera fréquemment revisé. Nous ne sommes, en effet, qu’au début d’un grand mouvement qui s’accentue de jour en jour, et qui modifiera considérablement l’état de choses actuel, en conduisant beaucoup d’habitants de l’Europe et de l’Amérique dans la région du Congo. Cette affluence y créera une situation que l’on peut bien pressentir dans ses traits généraux, mais qui est, quant à ses détails, entourée encore de trop d’incertitudes pour qu’il soit prudent de la soumettre dès maintenant à une réglementation minutieuse et inflexible. Sur beaucoup de points il faut compter ici avec l’imprévu et laisser le temps faire son œuvre. Comment, par exemple,

  1. Cf. Engelhardt, p. 181.
  2. Cf. Revue de droit international, t. XV, p. 255.
  3. Bulletin. p. 90.