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ment, comme on l’a vu sur l’Ogôoué, lorsqu’ils trouveront plus d’avantages à devenir commerçants[1]. Par la même occasion, il faudrait que les États signataires du traité s’engageassent à bannir l’esclavage des territoires soumis à leur domination. — Dans cet ordre d’idées, je signalerai incidemment l’opinion originale d’un publiciste anglais[2], qui, dans une brochure récente, en même temps qu’il réclame la libre navigation sur le Congo et ses affluents, propose d’appliquer à la répression de la traite les trois fameuses « règles de Washington » que nous avons étudiées jadis[3] Il voudrait qu’on s’en servît contre les États qui n’exerceraient pas une surveillance suffisante pour empêcher le départ des caravanes de chasseurs d’esclaves, ou pour assurer le châtiment des individus qui, à leur retour, seraient reconnus pour en avoir fait partie. On sévirait, en vertu du même principe, contre les gouvernements qui n’empêcheraient pas le départ des bâtiments négriers.

J’attirerai aussi votre attention sur l’importation des spiritueux. C’est là une grosse question, qui n’a pas été suffisamment étudiée jusqu’à présent, mais sur laquelle j’ai réuni un dossier volumineux et qui fera prochainement l’objet d’une monographie dans le journal que je publie[4]. Il ressort d’une infinité de témoignages, que les blancs qui trafiquent avec les noirs ne se font généralement aucun scrupule de spéculer sur la passion de ces pauvres gens pour l’eau-de-vie, le rhum et autres poisons du même genre. Ces spiritueux exercent parmi les indigènes de l’Afrique des ravages analogues à ceux de l’opium parmi les Chinois. Il serait temps de mettre un frein à cet abus funeste, qui se rattache directement à l’objet du présent mémoire.

Je ne me suis pas occupé non plus de ce qui adviendrait en cas de guerre, éventualité qu’il faut cependant prévoir et régler. Je voudrais qu’il fût bien entendu que les querelles qui s’élèveraient entre les contractants, sur un autre point du globe, n’auraient pas leur contre-coup au Congo, et que, en pareille occurrence, tous les pavillons, même ennemis, ne continueraient pas moins à y entretenir des rapports pacifiques[5].

  1. De Brazza (Revue maritime, août 1883, p. 405).
  2. Stevenson, p. 24
  3. Communications et documents relatifs à la fondation de l’Institut de droit international, p. 167.
  4. L’Afrique explorée et civilisée.
  5. Gessner (Die Gegenwart)