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et commerciales, se sont organisées pour aller explorer, chacune à son point de vue, le bassin de la splendide artère fluviale que l’intrépide voyageur venait de baptiser du nom de Livingstone, que d’autres désignent sous le nom de Zaïre, mais qui est plus généralement connue sous celui de Congo. Aujourd’hui, ce cours d’eau et ses abords sont devenus le point de mire de toutes les nations.

Tant d’intérêts divers poursuivis avec ardeur sur une même piste, devaient faire entrevoir la possibilité de conflits plus ou moins prochains. Ce fut ce qui m’engagea à vous inviter, il y a cinq ans déjà, à mettre à l’étude la question de savoir quelles mesures préventives il y aurait à prendre contre cette éventualité.

Les faits postérieurs n’ont pu que me confirmer dans l’opinion qu’il y a réellement quelque chose à faire sous ce rapport. Je considère maintenant comme urgente, une détermination précise des droits que chaque nation peut revendiquer dans ces lointains parages.

L’installation des nouveau-venus, sur les rives du fleuve et sur ses eaux, se développe avec une extrême rapidité, et la politique commence à s’en mêler, ainsi que Stanley l’avait prédit lors de sa découverte[1] ; aussi est-il devenu nécessaire d’aviser à une déclaration de principes, propre à prévenir des incidents regrettables. Il en est temps encore, mais le danger est réel, s’il est vrai, comme on l’affirme, que les explorateurs de cette région ne sont pas tous animés d’une égale bienveillance les uns envers les autres. Je sais bien qu’en haut lieu les sentiments de mesquine jalousie ne sauraient avoir accès, et qu’en particulier les instructions données à Stanley et à ses agents, par le comité pour le compte duquel ils travaillent, leur interdisent tout acte d’hostilité envers les voyageurs étrangers ; elles leur imposent même le devoir d’entretenir avec ceux-ci de bonnes relations, et de leur prêter assistance au besoin. Je sais aussi que les armements qui se font n’ont pour but que la défense des territoires occupés, à l’exclusion de toute idée de conquête par la force. Néanmoins, il ne faut pas s’aveugler au point de se figurer que, pour avoir été pacifiques jusqu’à présent, les rivalités n’existent pas, et que la présence de soldats aux ordres des concurrents ne constituent pas un véritable péril. Déjà les rapports avec les Africains, faciles au début, commencent à être fort tendus ; les gens de Stanley ont échangé des coups de fusil avec les indigènes, et la route frayée à grands frais entre

  1. Lettre du 5 sept. 1877 (Voy. l’Afrique centrale et la Conférence de Bruxelles, par E. de Laveleye, p. 217).