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LA PEAU DE CHAGRIN

— Mais Pauline ?

— Vous n’y êtes pas ? je recommence. Place ! place ! Elle arrive, la voici la reine des illusions, la femme qui passe comme un baiser, la femme vive comme un éclair, comme lui jaillie brûlante du ciel, l’être incréé, tout esprit, tout amour.

Elle a revêtu je ne sais quel corps de flamme, ou pour elle la flamme s’est un moment animée ! Les lignes de ses formes sont d’une pureté qui vous dit qu’elle vient du ciel. Ne resplendit-elle pas comme un ange ? n’entendez-vous pas le frémissement aérien de ses ailes ? Plus légère que l’oiseau, elle s’abat près de vous et ses terribles yeux fascinent sa douce, mais puissante haleine attire vos lèvres par une force magique ; elle fuit et vous entraîne, vous ne sentez plus la terre. Vous voulez passer une seule fois votre main chatouillée, votre main fanatisée sur ce corps de neige, froisser ses cheveux d’or, baiser ses yeux étincelants. Une vapeur vous enivre, une musique enchanteresse vous charme. Vous tressaillez de tous vos nerfs, vous êtes tout désir, tout souffrance. O bonheur sans nom ! vous avez touché les lèvres de cette femme ; mais tout à coup une atroce douleur vous réveille. Ha ! ha ! votre tête a porté sur l’angle de votre lit, vous en avez embrassé l’acajou brun, les dorures froides, quelque bronze, un amour en cuivre.

— Mais, monsieur, Pauline ?

— Encore ! Écoutez. Par une belle matinée, en partant de Tours, un jeune homme embarqué sur la Ville d’Angers tenait dans sa main la main d’une jolie femme. Unis ainsi, tous deux admirèrent