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chagrin. Ah ! Dieu ! elle vous tuera. J’en suis sûre. Il y avait dans son cri une sorte de croyance aux folles superstitions de sa mère. — Vous êtes bien crédule, Pauline ! —Oh !bien certainement ! dit-elle en me regardant avec terreur, la femme que vous aimerez vous tuera. Elle reprit son pinceau, le trempa dans la couleur en laissant paraître une vive émotion, et ne me regarda plus. En ce moment, j’aurais bien voulu croire à des chimères. Un homme n’est pas tout à fait misérable quand il est superstitieux. Une superstition est une espérance. Retiré dans ma chambre, je vis en effet deux nobles écus dont la présence me parut inexplicable. Au sein des pensées confuses du premier sommeil, je tâchai de vérifier mes dépenses pour me justifier cette trouvaille inespérée, mais je m’endormis perdu dans d’inutiles calculs. Le lendemain, Pauline vint me voir au moment où je sortais pour aller louer une loge. — Vous n’avez peut-être pas assez de dix francs, me dit en rougissant cette bonne et aimable fille, ma mère m’a chargée de vous offrir cet argent. Prenez, prenez ! Elle jeta trois écus sur ma table et voulut se sauver ; mais je la retins. L’admiration sécha les larmes qui roulaient dan mes yeux : — Pauline, lui dis-je, vous êtes un ange ! Ce prêt me touche bien moins que la pudeur de sentiment avec laquelle vous me l’offrez. Je désirais une femme riche, élégante, titrée ; hélas ! maintenant je voudrais posséder des millions et