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Le ballet est placé au second acte : il n’y a rien à en dire. Cet acte m’a paru le plus faible. On y entend une ballade de Saïda tout à fait hors du sujet et du plus mauvais goût italien. Je citerai cependant un très joli chœur de femmes, une charmante mélodie de Roland et la scène de la Conjuration qui ne manque pas de grandeur.

Au troisième acte, le meilleur de beaucoup et le plus intéressant, une belle Marche des Francs, avec chœur, une Chanson de pâtre, une farandole, et surtout le Songe et le trio. Ces deux derniers morceaux laissent une impression très forte.

Le dernier acte, assez court, assez vide de musique, est fait de fragments empruntés au reste et finit par une reprise de la Chanson de Roland.

Somme toute, avec scs inégalités et quelques archaïsmes, l’opéra de M. Mermet a une valeur indiscutable, et si M. de Lagrené a voulu prouver qu’il pouvait monter des œuvres nouvelles ou faire des reprises importantes dans des conditions convenables, il a réussi. De là, à lui accorder les 300 000 francs de subvention votés au conseil municipal pour l’Opéra populaire, il y a loin. Ce serait renoncer à la création d’un nouveau théâtre au profit d’un autre existant déjà, et pouvant vivre de sa vie propre.

Je doute, d’ailleurs, que le Château-d’Eau de M. de Lagrené puisse sérieusement devenir le Lyrique nécessaire dont on parle tant depuis la disparition de M. Vizentini. Je le reconnais, toutefois : M. de Lagrené a su réunir un bon orchestre, et il a fait un excellent choix dans la personne du jeune chef d’orchestre, M. Lévy.

Mais l’interprétation ! Mais mademoiselle Charmette ! mais mademoiselle Costia dans la Traviata ! mais MM. Quirot, Cot, Romieu, Hourdin !

Le ténor Rouvier mérite mention : sa voix a de la puissance et de l’éclat ; tous ses défauts proviennent d’une éducation musicale vicieuse et de mauvaises habitudes. Il vaut mieux qu’il ne paraît. J’en dirai autant de madame Boivin-Puisais, dont la voix forte ne sort pas. Après tout, M. de Lagrené pourrait dire qu’il a besoin de 300 000 francs pour améliorer sa troupe. Je le crois.

Je n’ai pas assisté à la séance annuelle de l’Académie des beaux-arts et ne puis parler de la cantate de M. Paul Vidal : le Gladiateur. En revanche, je vous recommande, si vous ne l’avez pas encore lu, le discours plein de philosophie artistique, un peu bizarre, mais à coup sûr point banal, qu’y a prononcé M. Gounod.

Les grands concerts ont repris. M. Pasdeloup promet de nous faire entendre les meilleurs des vingt-sept concertos de Mozart. Il y a eu déjà, au concert Colonne, deux auditions de la Damnation de Faust et deux auditions des Érinnyes de Massenet. Le personnage symbolique