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de nouveaux Mussets et de nouveaux Baudelaires qui, par la lâcheté des critiques, ne peuvent conquérir l’éminente situation à laquelle ils ont droit. Et, sans plus tarder, mon prochain article signalera, parmi les inconnus d’aujourd’hui, deux poètes de demain : Rodenbach et Stanislas de Guaita.

« Je vous entends, dit quelque lecteur riant sous cape, la Libre Revue gardera pour elle-même les douceurs dont elle sèvrera le prochain. »

Je laisse à ceux qui nous verront à l’œuvre le soin de juger de l’inanité de cette insinuation.

Au surplus, si l’on tient à être édifié sur-le-champ, je demande à clore ma causerie par une réflexion sur l’article que Louis de Gramont a publié dans le dernier numéro de la Libre Revue.

« On projette, dit notre confrère, d’enseigner aux lycéennes les langues mortes, les mathématiques, l’histoire, la cosmographie, la chimie, l’enthousiasme pour Sophocle et la pâmoison devant Virgile.

« Gardons-nous donc de transformer ces demoiselles en un tas de Philamintes et de Belises, d’autant plus que nous sommes prêts à les embrasser (les jolies) pour l’unique amour d’elles et pas du tout pour l’amour du grec. »

Jusqu’ici la critique est aussi spirituelle que sensée. Mais la saine raison ne tarde pas à s’éclipser devant le paradoxe, lorsque le brillant chroniqueur propose de remplacer ce fatras de connaissances par des notions sur les rapports de mari à femme, sur la grossesse, sur l’accouchement, sur l’hygiène des nouveau-nés.

L’intention est bonne, mais ces notions, au dire des gens de l’art, ne sont réellement efficaces que si l’on joint la pratique à la théorie. Et à ce compte, pour être complète, la fiancée idéale de Louis de Gramont devrait avoir accouché deux ou trois fois avant le mariage. Franchement, c’est trop d’une ! Comme Sganarelle, je suis un peu trembleur de ma nature.

Je ne sentirapasmonAvec cette Beauté
Je ne sentirai pas mon front en sûreté.

Dussé-je passer pour rétrograde, je préféré m’en tenir à l’Agnès de Molière, qui demande si les enfants se font par l’oreille.

ZÉNON-FIÈRE.