Banville, lyrique dans l’esprit même, petit-fils de Pindare et d’Horace à la fois.
Doublé d’un grammairien subtil, ce merveilleux poète prêcha si haut le culte de la rime et des règles primordiales de notre prosodie française que, s’il ne put donner le mens divinior à ceux qui en manquaient, nous lui devons, au moins, une génération d’ouvriers en vers correcte et consciencieuse. L’éclat, d’ailleurs modeste, qu’elle répand fait comme une voie laclée aux astres nouvellement levés, parmi lesquels je salue Sully-Prudhomme, François Coppée, José-Maria de Heredia, Catulle Mendès, Anatole France, pour qui mon amitié est doublée d’une estime littéraire sans réserves. J’ose donc dire qu’au point de vue de la production poétique, la seconde moitié de ce siècle peut se permettre quelque fierté.
Néanmoins — et il en fut toujours ainsi, — c’est pour le petit nombre que chantent les poètes. Le roman aura absorbé tous les succès bruyants de ces dix dernières années. Je lui reprocherai l’immense modestie qui ne lui fait plus chercher qu’une valeur documentaire. Car si j’ai bien compris la théorie naturaliste qu’Émile Zola a d’ailleurs, et à plusieurs reprises, brillamment développée, le but qu’il poursuit et, avec lui, ceux qu’il entraîne, c’est de laisser une peinture, absolument fidèle et minutieuse comme un procès-verbal, des mœurs contemporaines. Il y a, tout à la fois, dans ce programme, une prétention scientifique que je conteste et une humilité littéraire contre laquelle je proteste. L’observation ne devient un procédé scientifique qu’à la condition de conduire à une loi, et une série d’expériences ne vaut que par sa conclusion. D’autre part, l’immense talent dépensé par l’auteur peut prétendre à plus qu’à surprendre les curieux, toujours rares, de l’avenir. Notre époque peut-elle espérer intéresser indéfiniment la postérité ? Tandis que ce qui l’intéressera toujours, c’est l’effort d’un cerveau puissant, c’est l’œuvre d’un penseur. Ce sont les pages de poètes qui abondent dans les romans d’Alphonse Daudet et de Zola qui leur assureront la durée qu’ils méritent.
Et c’est pourquoi je regrette le côté franchement poème du roman tel que George Sand l’avait compris. Il n’était pas interdit d’y mettre plus d’observation qu’elle, bien qu’elle ait, en trois lignes, décrit des paysages plus vrais, plus exacts, mieux vus que ceux qu’on étale en longs panoramas descriptifs. Elle a su donner l’impression des choses de la Nature à la façon des grands peintres dans leurs esquisses. Mais il fallait laisser sa part à l’invention, comme Flaubert dans Salammbô, un des plus impérissables chefs-d’œuvre de la prose contemporaine.
Je viens d’écrire successivement les deux noms auxquels se relient mes souvenirs littéraires les plus tendres et les plus respectueux. Je considérerai toujours, comme le plus grand honneur de ma vie, celui