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Et sur les fiers sommets, hors des orages sombres,
Tous les deux maintenant vous planez, grandes ombres !
Toi qui pétris le bronze et le déifias,
Toi qui sculptas l’idée aux formes éternelles,
Les dieux ont fait asseoir vos âmes fraternelles
Entre Shakspeare et Phidias !

FABRE DES ESSARTS.

VILLES ET PLAGES

BRUGES


Sous les sombrement flambantes et très vieilles verrières de la petite église de Jérusalem, au fond d’un petit sépulcre de marbre blanc, où, accroupies sur leurs genoux, aux larges cassures rigides de leurs manteaux, constamment prient de vieilles femmes, repose un grand Christ livide dont la chevelure, nimbée d’un diadème, coule comme un fleuve noir sur les claires dentelles d’une tunique drapée en plis de linceul. Des cierges, brûlant aux alentours, ruissellent en longues larmes jaunes sur le divin Mort aux pieds de qui, dans l’ombre ardente de la solitaire chapelle, toute rumeur du dehors expire, ne laissant sourdre, comme une eau qui pleure aux fentes d’un rocher, que l’éternelle lamentation des mères malheureuses, venues là pour implorer la miséricorde du ciel.

Ainsi Bruges elle-même, semblablement au cadavre sacré, s’allonge dans le lit funèbre de son passé, ceinte de la couronne d’or de sa pros-