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Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos lecteurs la primeur d’une pièce de vers inédite de Fabre des Essarts. Cette poésie, agréée par le Comité Alexandre Dumas, et publiée par ses soins à un nombre restreint d’exemplaires, sera distribuée aux personnes qui assisteront, le 4 novembre, place Malesherbes, à Paris, à l’inauguration de la statue de notre grand romancier, dernière œuvre sculpturale du regretté Gustave Doré.

ALEXANDRE DUMAS

I

Oui, depuis bien des jours, il vivait dans notre âme,
Depuis longtemps ce dieu du roman et du drame
Avait dans notre cœur son temple et son autel.
Ayant été de ceux qu’on admire et qu’on aime,
Son nom sacré brûlait nos lèvres avant même
Que la mort l’eût fait immortel !

Car tous nous avons bu l’enivrement tragique
Qu’à nos soifs de quinze ans versait sa main magique,
Car ses héros, tous fiers contempteurs du trépas,
Ont l’honneur pour blason et leur droit pour défense ;
Car tous ces souvenirs datent de notre enfance,
Ceux-là seuls ne s’effacent pas.

Qui de nous n’a senti jusqu’au fond de son être
L’émotion grandir, retomber et renaître,
Comme au sein des forêts le vol de l’ouragan,
Au cri de d’Artagnan, toujours prêt pour la brèche,
Ou de Charny qui meurt ou du fer qui s’ébrèche
Sur la poitrine de Morgan ?

Qui de nous n’a frémi, soit que sur l’âpre arène,
L’horrible Milady succombe, ou que la reine