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Palais-Royal. — Ma Camarade, comédie en cinq actes de MM. Henri Meilhac et Philippe Gille.

La quinzaine qui vient de s’écouler a été fertile en premières. L’heure tardive à laquelle paraît la Libre Revue me dispense d’en faire l’analyse, je me bornerai donc pour cette fois-ci, et en raison de l’espace restreint dont je dispose, à donner rapidement quelques appréciations.

Certains critiques ont été sévères dans leur examen de l’Affaire de Viroflay, la pièce de MM. Gaston Hirsch et E. Mendel. Pour moi, j’avouerai que j’ai ri franchement en écoutant ces trois actes, peut-être un peu chargés, mais à coup sûr pleins de situations cocasses et enlevés avec beaucoup d’entrain et de gaieté par l’excellente troupe de M. Maurice Simon. Le grand reproche que j’adresserai aux auteurs, c’est le manque de clarté. L’exposition est pénible et les deux premiers actes un peu longs, mais ces défauts sont rachetés par les mots drôles dont est émaillée cette pièce, qui serait plus justement intitulée pochade que comédie. M. Mesmacker est une ganache fort réussie, et M. Vavasseur absolument digne de ses galons de capitaine de la territoriale. M. Regnard a su détailler très finement le monologue par lequel il explique au public comment il se trouve rivé à la nerveuse Berthe Legrand. Quant à la très jolie soubrette qui répond au nom poétique de Floresta, elle est simplement adorable, et le pauvre Vavasseur est bien à plaindre d’être obligé chaque soir de souper avec elle platoniquement.

À l’Odéon, nous avons enfin vu cette fameuse Famille d’Armelles, qui menaçait de devenir légendaire. Franchement on était en droit de s’attendre à mieux. Le drame roule sur cette éternelle question, à savoir : Le mari a-t-il le droit de tuer sa femme qui le trompe ? Tout a été dit sur ce sujet et une cinquantaine d’auteurs ont répondu avant M. Jean Marras. Encore si ce dernier avait trouvé un argument nouveau, mais il fait paraphraser dans des discours interminables toutes les opinions émises à ce propos depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. La pièce, très littéraire, ferait le sujet d’un beau roman à thèse, mais la façon dont elle a été présentée au public montre que l’auteur n’a pas le sentiment dramatique. Ainsi l’héroïne ne se rencontre pas une seule fois avec son mari. Elle ne se montre que pour engager une discussion avec son beau-père sur le droit que peut avoir une femme infidèle de fuir en emmenant sa fille. Le troisième acte a racheté les graves imperfections des deux premiers. On a frémi en entendant le commandant d’Armelles crier à son fils : « Arrête, malheureux ! c’est au seuil de cette chambre que j’ai tué ta mère ! » On a pleuré quand le mari, vaincu, et laissant échapper sa femme, jette cette plainte douloureuse : « Me voilà donc seul désor-